Comment faire pour aider vraiment les jeunes ? Depuis le quartier des Flamants, une cité du 14e arr. de Marseille, la question n’a rien d’anodine. Pendant trois mois, un groupe d’habitants du territoire, fort de son expertise citoyenne, s’est interrogé sur les solutions à mettre en oeuvre. Et si on écoutait enfin les jeunes ? Et si on créait un revenu de base « jeunes » ? Et si…

Par Jean-François Poupelin (Le Ravi)

Après avoir « emmerdé le Front national », la jeunesse va-t-elle se jeter dans sa gueule ? C’est ce que clame l’héritière en chef, pour qui le FN serait désormais le parti préféré des 18-25 ans.

Si la petite entreprise lepéniste en séduit indéniablement, « le premier parti des jeunes est l’abstention », rappelle Sarah Robin, représentante du collège « partisans » du Forum français jeunesse (1). De fait, fin novembre, une enquête Ipsos indiquait que presque 75 % des 18-25 ans comptaient aller à la pêche (ou à la chasse, qui est plus de saison) lors des élections régionales. « Ils ne se sentent pas représentés », déplore cette responsable des jeunes de l’UDI.

Et ça n’est pas la seule explication de la centriste. « On ne nous écoute pas, on nous dit «moi aussi j’ai été jeune», insiste encore Sarah Robin. On nous cantonne aux questions sur la jeunesse. Il y a de la discrimination
alors que nous sommes des citoyens à part entière. »
Les quartiers dits prioritaires de la politique de la ville peuvent en témoigner.

Dix ans après la révolte des banlieues, les mêmes maux persistent et la situation des jeunes s’est dégradée : précarité accrue, problèmes d’accès au logement, à la santé, etc…

Pourtant, les demandes dans les quartiers populaires sont loin d’être utopiques ou irréalistes. Rencontrés lors d’une matinée des États généraux de Provence du conseil départemental des Bouches-du-Rhône consacrée à la jeunesse, Naïm, Hacène et Mehdi, la vingtaine, ont des rêves sans prétention : « Un boulot et la base de la vie, une famille. » Et des revendications simples : « Etre écoutés », qu’on leur fasse « plus confiance », qu’ils trouvent « une petite formation ».

François Hollande, qui avait demandé dans son célèbre discours du Bourget à être jugé sur le sort des jeunes à la fin de son quinquennat, s’apprête à vivre de nouveaux lendemains qui déchantent. Ses intentions de départ sont là aussi restées lettre morte. En témoigne le « rapport alternatif au plan priorité jeunesse » de juin 2015 du FFJ.

Lancé début 2013 avec la volonté d’une approche transversale et globale aux problèmes de la jeunesse, « le plan […] s’est métamorphosé en un catalogue », tacle la plate-forme. Et si elle voit quelques avancées, comme la garantie logement, « ça ne va pas assez loin, les promesses [de François Hollande] n’ont pas été tenues », résume Sarah Robin.

Même la garantie jeune, présentée comme un RSA jeune et à ce titre une mesure emblématique, est un fiasco. Mis en place pour les jeunes de 18 à 25 ans en grande précarité (sans formation, sans emploi, voire SDF…), ce dispositif « gagnant-gagnant » (sic) octroie une allocation de 461,26 euros (un sous RSA) contre l’engagement dans un parcours intensif d’accès à l’emploi et à la formation.

Deux ans après son lancement, le bilan dans les Bouches-du-Rhône, département pilote, est loin d’être concluant. « Alors que les jeunes devraient bénéficier d’un accompagnement renforcé et global, les six premières semaines censées être à plein temps sont réduites à cinq demi-journées. Puis les rendez-vous avec les conseillers se réduisent à un par mois, pour pointer », témoigne une éducatrice. Qui dénonce encore : « Les commissions d’attribution et de suivi consacrent la plupart de leur temps aux sanctions » ; « comme les objectifs d’entrées ne sont pas atteints, ils ratissent large, notamment en direction des jeunes diplômés » ; « les plus marginaux, pourtant la cible initiale, sont renvoyés vers les structures spécialisées ». Liste non exhaustive…

« Et si on s’occupait enfin des jeunes ? »

« Je doute de son utilité », ronchonne de son côté Sarah Robin, du FFJ, qui revendique plutôt l’ouverture du RSA « aux moins de 25 ans ». Voire carrément la mise en place d’un revenu de base ! « L’idée fait son chemin dans beaucoup d’organisations de jeunes, y compris chez les jeunes de l’UDI. Le système social est à bout de souffle, il faut bien trouver d’autres solutions », explique la jeune centriste.

Stupeur et tremblement ! La proposition d’un revenu universel est justement une des solutions pour « aider vraiment les jeunes » imaginées par un groupe d’habitants du quartier des Flamants, dans le 14e arr. de Marseille, que le Ravi a accompagné pendant trois mois sur un projet de journalisme participatif. Leur analyse est plus terre à terre : beaucoup de jeunes de cités décrocheurs ou non, n’ont pas les moyens de poursuivre leurs études ou de payer une formation, de bouger de leur quartier ou de leur ville, de quitter le domicile parental, d’avoir des loisirs.

Et ils parlent en experts ! Chérazade, Chaïnèz et Kévin sont suivis par l’Addap 13, une asso d’éducateurs de rue dans laquelle travaillent Dalila et Icham. Ahmed est le président de l’école coranique du quartier, Lukas est en terminale S dans le très sélect (mais public) lycée Thiers, Amina, Nadia et Taourati sont des mères de famille passionnées de théâtre.

Il y a aussi Fatma et Marina, du centre social Flamant-Iris, et Thierry, le directeur de Média2 Méditerranée, notre hôte pendant ce trimestre, mais également un nouveau partenaire qui vient enrichir ce nouveau « Et si ? » d’une production audiovisuelle.

A leur demande, et après de longues discussions, la thématique de ce cahier très spécial a basculé vers la jeunesse et non les migrants, choix du groupe de Saint Gabriel (voir au revers de ce cahier). Les tueries du 13 novembre montrent qu’ils ont eu le nez creux. Habitants d’un quartier qui cumule chômage de jeunes et décrochages scolaires massifs (près de 50 % chacun), discrimination à l’embauche, sauf dans les « réseaux », et pauvreté, ils ne manquaient déjà pas de raisons de s’y intéresser. Ni de solutions.

Après avoir beaucoup phosphoré et tchatché, ils se sont finalement décidés pour quatre sujets : Et si on écoutait enfin les jeunes ? Et si on imaginait un lieu de formation professionnel innovant et ouvert à la culture ? Et si on incitait les entreprises à embaucher les jeunes ? Et si on créait un revenu universel et inconditionnel pour les jeunes, y compris pour les jeunes migrants ?

Puis, il a fallu définir les angles, choisir les genres, préparer les interviews. Après une rapide initiation aux règles journalistiques, des sous-groupes se sont formés et chacun est parti en reportage, a réalisé ses entretiens (dont un par skype !). Un exercice in fine assez peu impressionnant pour la plupart. Finalement, chacun a pu constater que leurs idées, leurs solutions n’ont rien de farfelues. Et sont même plus que pertinentes. Beaucoup les défendent déjà !

Jean-François Poupelin (Le Ravi)

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